Présente mercredi 6 novembre dernier à la BnF François Mitterrand pour les 50 ans de la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS), la ministre de la Culture, Mme Rachida DATI a tenu à répondre au président Jean-Christophe RAVEAU qui l’a alerté sur de nombreux points (cf. infra).
La ministre a d’abord assuré que le ministère de la Culture continuera de se tenir aux côtés de cette famille de presse, soulignant que la valeur de son travail est « incontestable », auprès du grand public et des professionnels. « Dans cet écosystème mouvant et parfois imprévisible, je sais les efforts que vous faites, chaque jour, dans vos entreprises, pour continuer de vous développer et pour investir, avec l’appui régulier des aides du ministère, afin de vous adapter aux usages du lectorat », a déclaré Mme DATI.
À ce propos, elle a immédiatement tenu à souligner que malgré la conjoncture budgétaire contrainte, les crédits du Fonds Stratégique pour le Développement de la Presse (FSDP) seraient maintenus dans le budget 2025.
Le PJL post EGI devra aborder la question d’un « partage plus équitable » de la valeur et permettre le rééquilibrage des conditions de la négociation effective des droits voisins
La ministre de la Culture a ensuite réaffirmé que le projet de loi issu des recommandations des États généraux de l’information (EGI) sera présenté en début d’année prochaine. Rendant hommage à Christophe DELOIRE, qui fut délégué général du comité de pilotage des EGI jusqu’à son décès en juin dernier, ainsi qu’à Bruno PATINO, président du comité de pilotage et présent à la soirée, Mme Rachida DATI a alors relevé « la qualité du travail réalisé » et des « conclusions équilibrées » ; avant d’indiquer que le président de la République Emmanuel MACRON devrait se voir présenter prochainement les conclusions des EGI.
Elle souhaite que le PJL post EGI s’intéresse à « la question de la répartition de la valeur », alors que M. RAVEAU l’a interpellé pour une « juste répartition, avec les grands acteurs de la tech, de la valeur générée par nos contenus » (cf. infra) et a attiré son attention sur la remise en cause de l’éligibilité de certains titres de presse néanmoins reconnus par la CPPAP. « Ce sujet était au cœur des EGI et plusieurs de leurs recommandations visent à un partage plus équitable entre les plateformes et les producteurs de contenus. Je pense par exemple à la transparence des investissements publicitaires ou encore, au niveau européen, à la nécessité de rétablir une vraie concurrence sur le marché de l’intermédiation publicitaire », a souligné dans un premier temps Mme DATI.
« Je veux aussi traiter de la question des droits voisins car comme vous l’avez dit, leur efficacité doit être renforcée. Il faut notamment que les plateformes soient tenues de délivrer les informations nécessaires au calcul du droit voisin », a aussi annoncé la ministre de la Culture qui souhaite « plus généralement rééquilibrer les conditions de la négociation du droit voisin » en limitant les possibilités de remise en cause de son efficacité.
Toujours sur la question du partage de la valeur, la ministre a rappelé qu’un volet « Culture », qui n’était pas prévu initialement, a été ajouté au menu du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA) qui doit se tenir en France l’année prochaine.
Mission Soriano : aboutir à un accord avant la fin de l’année
Par ailleurs, sur le sujet de la distribution de la presse, la ministre a rappelé avoir confié une concertation à Sébastien SORIANO en avril dernier, « pour réfléchir à renforcer les mutualisations, à tous les niveaux, afin d’avoir une meilleure efficacité d’ensemble ». « Vous le savez, face à l’augmentation des coûts de transport et la réduction des volumes et du nombre de marchands de presse, il y a urgence à trouver des solutions » a dit Mme DATI.
La ministre qui a relancé la mission de concertation souhaite que les éditeurs puissent « aboutir rapidement à un accord, avant la fin de l’année ». « Dès lors que tout le monde prendra ses responsabilités, l’État sera au rendez-vous, comme il l’a toujours été, pour accompagner la filière », a-t-elle assuré.
Distribution : évaluer les pistes d’amélioration de l’accord État-Presse-Poste 2022-2026
À ce titre, la ministre a tenu à parler des abonnements papier, dont on connaît l’importance pour la presse d’information spécialisée. « L’enjeu essentiel pour vous, c’est bien sûr la question de l’abonnement, qui représente 90 % de votre diffusion. Je sais que les attentes sont fortes pour la filière, notamment pour la presse spécialisée qui ne peut pas être distribuée par les réseaux de portage », a-t-elle dit avant de défendre le service public de distribution assuré par La Poste. « C’est ce qui permet à tous les citoyens, partout sur le territoire, en ville aussi bien qu’en zone rurale et dans les Outre-mer, de recevoir la presse à un prix raisonnable ».
« Alors bien sûr, La Poste fait face à une augmentation de ses coûts. Il faudra y répondre. Des discussions interministérielles sont en cours afin d’évaluer les pistes d’amélioration du protocole d’accord signé en 2022 entre éditeurs, La Poste et l’État », a indiqué Mme DATI alors que le président-directeur général de La Poste, M. Philippe WAHL s’est inquiété du dérapage budgétaire lié à sa mission de distribution de la presse. La ministre a d’ailleurs informé l’assistance qu’elle allait recevoir très prochainement M. WAHL.
« Je défends quant à moi vos intérêts et ceux de vos lecteurs, aussi bien sur les tarifs que sur la qualité de la distribution postale, dont dépend beaucoup la fidélisation du lectorat », a poursuivi la ministre. Mme DATI a par ailleurs cité son Plan ruralité en faisant référence à la distribution de la presse en zones rurales, soulignant que ce plan est d’ores et déjà en œuvre, et financé.
Régime économique de la presse : l’exigence sur les critères d’accès ne peut pas « s’imposer uniformément à tous les titres et à toutes les familles de presse »
Enfin, la ministre de la Culture a abordé la question de l’accès au régime économique de la presse (l’inscription des journaux et périodiques auprès de la CPPAP permet de bénéficier d’avantages comme le taux réduit de TVA à 2,1 %, l’exonération de la contribution économique territoriale (CET), de tarifs postaux privilégiés, ou d’un accès aux aides à la presse).
« Je mesure vos attentes s’agissant de la mise en œuvre de la réforme de 2021 concernant les critères d’accès au régime économique de la presse. Comme vous le savez, celle-ci a conditionné l’accès à ce régime à la présence d’une équipe de journalistes professionnels au sein des rédactions. Cette exigence ne peut pas s’imposer uniformément à tous les titres et à toutes les familles de presse », a reconnu Mme DATI avant de prendre l’exemple de la presse médicale ou juridique, pour laquelle « on comprend bien que l’information est produite principalement, voire exclusivement, par des auteurs experts qui ne sont pas forcément des journalistes ».
« Je serai attentive à ce que cette réforme poursuive son objectif initial, qui est de renforcer la fiabilité et la qualité de l’information, tout en préservant l’ensemble des acteurs, notamment les titres très spécialisés et les petits éditeurs, dont l’accès au régime économique de presse est crucial pour assurer leur viabilité », a t-elle conclu.
Lors de sa prise de parole, Mme Rachida DATI a aussi souligné que la « presse spécialisée (contribuait) quotidiennement à faire vivre le pluralisme » mettant en avant le rôle important de cette presse « dans la compréhension des enjeux politiques, économiques et scientifiques auprès de l’ensemble des acteurs qui font avancer notre société ».
Source : avec l’aimable autorisation de La Correspondance de la Presse du jeudi 7 novembre 2024