L’un des mérites des « États Généraux de l’Information » est incontestablement la largeur du spectre des problématiques abordées lors de cette consultation. Et pour de nombreux participants, c’est l’occasion de découvrir les complexités techniques, juridiques et politiques des métiers de la presse et du journalisme.
N’est-ce pas aussi le moment opportun, grâce à cette réflexion collective approfondie, d’aborder sereinement les « sujets qui fâchent » ?
Pour les adhérents de la Fédération Nationale de la Presse d’information Spécialisée, l’application systématique de la « clause de cession » en cas de changement d’actionnariat majoritaire de la société éditrice est un obstacle majeur à l’évolution des entreprises. Dans les faits, elle peut générer un effet d’aubaine pour le salarié qui l’invoque, sans aucune justification en lien avec un quelconque changement de ligne éditoriale, ni une atteinte quelconque à sa liberté de conscience. Avec pour conséquence de faire peser un risque financier majeur sur l’entreprise, d’en rendre la cession extrêmement délicate à mener, au détriment de l’actionnariat comme des salariés… et finalement du pluralisme, car bien souvent seuls les plus fortunés ont la capacité d’assumer le risque financier qui pèse ainsi sur les transactions.
Il ne s’agit pas ici de remettre en cause la clause de conscience, mécanisme qui se justifie pleinement en cas de revirement de la ligne éditoriale lorsqu’il est de nature à porter atteinte à l’honneur du journaliste, à sa réputation ou, d’une manière générale, à ses intérêts moraux comme le rappelle la loi. Mais il faut s’interroger sur la légitimité de l’automaticité de la clause de cession, par exemple dans le cas d’une revue consacrée à la restauration ou à l’actualité juridique et fiscale qui changerait de propriétaire. Car la plupart du temps, reconnaissons-le, ces cessions n’emportent aucun changement des conditions matérielles et morales d’exercice de leur métier par les rédactions.
Il est donc grand temps d’inciter le législateur à moderniser, alors que le climat économique de la presse est pour le moins dégradé, une disposition devenue particulièrement dangereuse pour la pérennité des centaines de PME de presse qui font la diversité de l’information.
Dans sa grande sagesse, la Cour de Cassation a récemment « modernisé » la clause de cession en affirmant « la nécessité d’un lien de causalité entre la rupture du contrat de travail et la cession du journal intervenue trois ans auparavant » (C.Cass. 8 juillet 2020). C’est un premier pas, mais il faut aller plus loin et une modification du Code du Travail conforterait juridiquement cette jurisprudence profitable à terme, à la fois aux journalistes et aux éditeurs.
Pourquoi d’ailleurs ne pas aller jusqu’à la suppression de la clause de cession, en la remplaçant par une clause de conscience « sécurisée » dans le cas d’une transmission d’entreprise. C’est le sens des propositions que la FNPS a soutenues devant les États Généraux de l’Information ces derniers mois.