En ouvrant la boîte que lui avait donnée Hermès en cadeau de mariage, Pandore (« celle douée de tous les dons ») plongea l’humanité dans les affres de tous les maux auxquels elle n’a cessé d’être confrontée : la vieillesse, la maladie, la guerre, la famine, la misère, la folie, le vice, l’orgueil… et l’espérance qui n’avait pas réussi à s’échapper de la fameuse boîte.
Au-delà de cette lointaine symbolique, il serait dangereux pour l’avenir de la presse de saisir l’occasion des Etats Généraux de l’Information pour offrir un remake contemporain de la plus inquiétante péripétie de la mythologie antique.
Car on sait notamment combien les propositions les plus irréalistes, généralement inspirées de théories destinées à promouvoir des mesures irrecevables par le sens commun, trouvent immanquablement des relais dans l’opinion publique.
Ainsi, l’idée de généraliser une forme de « société de media à but non lucratif » est l’exemple révélateur de la méconnaissance profonde de la réalité d’un secteur qui doit pouvoir affronter l’avenir avec tous les moyens dont il dispose. La rentabilité, dont on sait qu’elle est aujourd’hui si compliquée à pérenniser, n’est-elle pas un puissant garant d’une presse libre et plurielle ?
Il appartient donc aux éditeurs de presse, et notamment ceux de la presse de la connaissance et du savoir, de souligner le rôle fondamental de l’éditeur pour le développement des entreprises de presse, qu’ils doivent pouvoir diriger avec la liberté d’exercer leurs compétences sans entraves supplémentaires.
Il est indispensable de rappeler le fondement du statut de l’éditeur, à la fois dirigeant d’entreprise chargé de développer et de garantir un équilibre économique sans lequel il n’y a pas d’avenir, responsable de la ligne éditoriale de la publication, tenu d’élaborer un contenu journalistique en cohérence avec les attentes de sa communauté de lecteurs, sans oublier ses responsabilités pénales définies par la loi de 1881.
À cet égard, la proposition émise sur le « droit d’agrément » du directeur de journal par les journalistes ne saurait être recevable pour nos formes de presse, où la taille réduite de l’entreprise éditrice est incompatible avec toute forme d’intervention sur sa gestion et sa politique éditoriale. Ce serait prendre un risque avéré de fragiliser l’initiative, de décourager l’investissement tant humain que financier, de remettre en cause la démarche sincère et créative d’une multitude d’éditeurs professionnels investis dans leur métier au prétexte de vouloir en circonscrire quelques-uns pour lesquels la presse n’est qu’un accessoire.