Au terme de plus de deux ans d’âpres négociations à Bruxelles, dont il serait fastidieux de décrire les différents épisodes, l’optimisme de façade affiché par les politiques français ne doit pas masquer les incertitudes qui planent encore sur l’avenir de la directive en voie d’adoption par le Parlement Européen.
Certes, après un « trilogue » intense entre la Commission, les États et les députés, un texte de compromis a recueilli l’accord des parties la semaine dernière. Adopté formellement par les États le 20 février, il doit encore faire l’objet d’une adoption définitive par le Parlement avant la fin de la mandature, c’est à dire au mois d’avril.
Dans ses grandes lignes, ce document reprend les points essentiels des préoccupations affirmées par les éditeurs de presse et le Gouvernement français, à savoir la reconnaissance d’un droit voisin de l’éditeur de presse pour l’utilisation de ses contenus numériques et la responsabilité affirmée des plateformes jusque-là exonérées de toute préoccupation de rémunération des contenus mis à disposition de leurs utilisateurs.
Mais si le Chef de l’État voit dans ce compromis « une victoire majeure de l’Europe qui protège, une Europe de la culture et de la création », il serait naïf de considérer que le dossier est clos. Même l’enthousiasme de M. Franck RIESTER, notre ministre de la Culture qui se félicite de la « capacité de l’Europe à être précurseur pour créer un environnement numérique régulé », mérite d’être tempéré par de plus prosaïques considérations.
Pour les éditeurs de la presse professionnelle et spécialisée, il faudra être particulièrement vigilant sur la transposition dans le droit français de cette directive qui comporte malgré tout quelques points d’ombre : définition de la publication de presse qui évoque la diffusion auprès du « grand public » ou du « public en général » (attention danger), exception obligatoire pour le TDM y compris commercial, mise en œuvre difficile de la notion de « très courts extraits » qui sont exclus du champs d’application du droit voisin, exclusion de la presse scientifique de cette définition et donc du bénéfice du droit voisin.
Sans entrer dans les détails d’une mise en œuvre qui s’annonce techniquement ardue, il faut aujourd’hui être conscient de l’avertissement de M. Jean-Marie CAVADA, député français au Parlement européen qui se bat depuis longtemps pour le droit d’auteur : « la plus grande vigilance s’impose de surveiller la rédaction finale de la directive en raison de la perméabilité du rapporteur et des divisions des membres du Conseil ». Ne l’oublions pas : les GAFA n’ont certainement pas renoncé à avoir le dernier mot…