La Garde des Sceaux, ministre de la Justice Nicole BELLOUBET a fait savoir vendredi 14 décembre 2018 devant le Syndicat de la presse économique, juridique et politique (SPEJP) que préside Jean-Guillaume d’ORNANO, président-directeur général d’Option Finance SAS, et qui est l’une des composantes de la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS), que les éditeurs de presse et notamment les éditeurs juridiques seront associés à la rédaction du décret, pris en Conseil d’Etat, précisant les « conditions d’application » de l’open data des décisions de justice tel que prévu par le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, actuellement débattu au Parlement.
Son article 19 prévoit en effet que les décisions rendues par les juridictions administratives et judiciaires « sont mises à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique », avant d’énoncer des limitations.
Ou plutôt « un principe d’une occultation des éléments d’identification des personnes mentionnées dans la décision ».
Ainsi, « les noms et prénoms des personnes physiques mentionnées dans le jugement, lorsqu’elles sont parties ou tiers, sont occultés », de même que « tout élément permettant d’identifier les parties, les tiers, les magistrats et les fonctionnaires de greffe » dès lors qu’il « est de nature à porter atteintes à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage ».
Cette dernière disposition concerne tout particulièrement les affaires de terrorisme.
Des sanctions pénales s’appliqueront s’agissant des « données d’identité des magistrats et des fonctionnaires de greffe ». Des dispositions qui posent questions, notamment lorsque ces décisions concernent des personnes publiques et limitent ainsi les capacités d’investigation des journalistes.
Le texte en discussion prévoit également que « les données d’identité des magistrats et des fonctionnaires de greffe ne peuvent faire l’objet d’une réutilisation ayant pour objet ou pour effet d’évaluer, d’analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées », des dispositions qui limitent notamment l’usage de l’intelligence artificielle pour enrichir l’analyse de la jurisprudence par les éditeurs juridiques.
Soulignant son attachement « au maintien de la qualité du partenariat et des relations entre la justice et les éditeurs juridiques », Mme BELLOUBET a rendu hommage à Charles VALLEE, décédé en juin dernier, qui était président d’honneur du SPEJP, président d’honneur des Editions Dalloz, ancien directeur des études à l’Ecole nationale d’administration (ENA) et rappelé que « les éditeurs et journalistes de la presse économique, juridique, et politique (participent) comme (leurs) confrères de la presse dite d’information politique et générale, à l’information de nos concitoyens sur la vie de la Cité ».
A propos des annonces judiciaires et légales (AJL), la garde des Sceaux a rappelé que dans le cadre de la loi PACTE en cours de discussion, le gouvernement s’était exprimé « en faveur du maintien du système d’annonces légales pour préserver le secteur de la presse » et qu’il s’était engagé à poursuivre le processus de réforme des AJL avec « un triple objectif de modernisation, de simplification et de baisse des coûts pour les entreprises et les collectivités publiques ». Elle a ajouté que « l’annonce légale doit demeurer un soutien au pluralisme de la presse dont l’intérêt repose sur la proximité territoriale ».
Interpellée, par ailleurs, par Jean-Guillaume d’ORNANO sur la nécessité de prendre du temps avant d’ajouter le projet de règlement e-Privacy aux dispositifs de protection des données personnelles tout juste réformés par le RGPD, la ministre de la Justice a confirmé que le gouvernement français avait « demandé à la présidence autrichienne du Conseil de l’Union Européenne de ne pas hâter la conclusion des négociations ».
« Il est en effet nécessaire de prendre le temps de trouver une rédaction satisfaisante sur les modalités de recueil du consentement des personnes, sans privilégier, comme le prévoyait la proposition initiale de la Commission, l’option d’un consentement recueilli ab initio lors du paramétrage du navigateur » (article 10), a-t-elle indiqué avant d’ajouter que le texte avait « donc fait l’objet d’un simple rapport de progrès au Conseil Télécoms du 4 décembre ».
Enfin, concernant la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse dans le cadre de la directive droit d’auteur en cours de discussion à Bruxelles et à Strasbourg, la garde des Sceaux a considéré « que les éditeurs de la presse spécialisée doivent être inclus dans le champ d’application du droit voisin ».
Faisant référence à la rédaction de la définition de la publication de presse retenue par le Conseil et qui retient l’idée de devoir s’adresser au « grand public » (« général public »), Mme BELLOUBET a précisé que le gouvernement allait « clairement défendre une rédaction non ambiguë, qui exclut uniquement les publications qui ne sont pas de la presse et ne font pas l’objet d’une vente au public (par exemple les bulletins d’information syndicaux ou mutualistes) ».
Elle s’est proposée pour sensibiliser son homologue Katarina BARLEY, ministre de la Justice de la République fédérale d’Allemagne, sur ce sujet.