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Le Palmarès 2018 des Médias Professionnels s’est tenu mercredi 31 janvier dernier en présence de près de 250 acteurs des médias professionnels, décideurs économiques et politiques, personnalités du monde de la presse et de la communication à Paris dans les Salons de l’Hôtel des Arts et Métiers.

L’événement phare de MediaPro s’est ouvert par une conférence intitulée « Mutation des usages : menace ou opportunité pour les médias professionnels ? ».

Cette table ronde animée par Delphine CHÊNE, rassemblait Laurent BÉRARD-QUÉLIN, Président de la Fédération nationale de la Presse d’information Spécialisée, Jean-Marie CHARON, Sociologue CNRS-EHES spécialiste de la presse et Barbara CHAZELLE, de la Direction de l’Information – Prospective et Media Lab chez France Télévisions.

Barbara CHAZELLE a rappelé en ouverture de la discussion à quel point les mutations en cours sont extrêmement rapides. Même Google et Facebook ont admis avoir sous-estimé la disruption causée par le mobile. Sa présentation était ensuite axée sur les 5 principaux défis auxquels les médias doivent faire face.

Le défi éditorial

Dans une époque de surabondance des contenus et des formats, de nouveaux contenus sont produits en permanence, de nouveaux formats sont créés tous les jours et ils peuvent être lus et regardés sur tous les supports. Dans ce contexte, il devient de plus en plus difficile de capter l’attention du public, qui est en permanence sollicité de toutes parts.

Plus que le format ou la thématique, c’est le ton qui va faire toute la différence, il faut cependant faire attention de ne pas céder à la tentation de la marque blanche pour rentrer dans le format imposé par les GAFA.

Leurs plateformes ont imposé leurs contraintes et les conséquences sont un formatage et une standardisation de l’information.

Le défi de la mobilité

2017 fut une année historique : l’utilisation du smartphone dans le monde a dépassé l’usage de tout autre équipement.

Deux tiers de la consommation média numérique se passe sur mobile.

L’utilisation des réseaux sociaux se fait même à plus de 90 % sur mobile et les annonceurs ont dépensé 24 milliards de dollars en publicité programmatique mobile.

Les applications mobiles représentent 57 % du temps digital et le volume d’applis téléchargées est en croissance de 60 %.

Le temps moyen quotidien passé sur les applications augmente toujours et les utilisateurs de smartphones passent 7 fois plus de temps sur des applications natives que sur des navigateurs mobiles.

Ces usages se concentrent malheureusement sur une poignée de gagnants.

Parmi les 10 applications les plus populaires aux États-Unis, 8 appartiennent à Facebook ou Google.

En 2018, ces applications resteront un élément central dans la vie des utilisateurs, avec un engagement et des dépenses qui continuent d’augmenter grâce à l’intégration de nouvelles fonctionnalités (paiement, réservation, messagerie…), l’amélioration des technologies et un design de plus en plus user friendly.

Une tendance risque également de se confirmer : le boom des contenus mobiles premium, mais également l’arrivée des interfaces vocales qui vont considérablement simplifier le quotidien.

Le défi du contexte

Les médias doivent apprendre à exploiter le Big Data :

  • Pour mieux connaitre et adresser ses publics (impact sur les audiences, les revenus)
  • Mais aussi pour produire plus « smart » (indexation et hiérarchisation des données externes en provenance de nouveaux services) mais aussi internes (les contenus produits) : cela implique de passer dans une logique de « bases de données » pour créer des services et des contenus mieux calibrés.

Le seul contenu ne suffit plus. Une mauvaise expérience fait fuir le public qui trouvera une offre satisfaisante à quelques clics de là, d’où l’importance de la fluidité d’accès aux contenus et à l’ergonomie du produit : il est nécessaire de remettre l’utilisateur au centre.

Le défi de la monétisation

S’adapter aux mutations du secteur, ce n’est pas seulement repenser les formats, c’est aussi revoir les modèles économiques.

La publicité sur mobile va rapidement dépasser la publicité sur l’internet. Le marché est dominé par Google et Facebook, mais Amazon les rejoint et sa publicité programmatique est censée lui rapporter 1 Milliard de Dollars en 2018.

La publicité́ mobile devient incontournable dans les plans médias des annonceurs qui se trouvent toutefois confrontés au dilemme des 70% des utilisateurs qui affirment rejeter la pub sur mobile. L’ad-blocking sur mobile a considérablement augmenté ces dernières années.

Quid également du règlement ePrivacy ? Le texte prévoit l’obligation d’obtenir le consentement explicite des utilisateurs (opt-in) avant de pouvoir déposer des cookies sur leur terminal alors qu’aujourd’hui il faut seulement les en informer. L’absence de consentement pourrait être paramétrée directement dans le navigateur.

Les éditeurs critiquent cette mesure et dénoncent le fait que les GAFA puissent exploiter seuls les données des utilisateurs.

Il est également important de diversifier son offre (event, formation…) ce qui permet de fidéliser ou d’aborder un certain public.

Mais il faut également trouver de bons partenaires y compris médias.

Le défi de l’innovation

Un mécanisme clé du numérique est de casser les silos, de travailler de manière collaborative, de miser sur l’intelligence collective.

Il faut surtout apprendre à travailler avec d’autres métiers parfois très différents et passer d’un mode de travail sous forme de « sujet » à des modes « projets ».

Pour réussir à innover il faut également :

  • Faire de la veille et savoir anticiper ;
  • Tester, c’est-à-dire essayer, échouer, modifier et réessayer ;
  • Collaborer avec des start-ups, des universités, d’autres médias ;
  • Dénicher des « talents » qui maitrisent ces nouvelles technologies mais également des auteurs ayant un ton, une personnalité afin de pouvoir incarner le média.

Les 3 choses à retenir en conclusion :

  • Le processus de changement et d’innovation n’est pas tant une question technologique qu’humaine : nouveaux modes de management, nouvelles manières de travailler et nouveaux métiers avec lesquels il faut apprendre à communiquer ;
  • Il faut savoir affirmer sa différence, avoir des partis pris, une ligne éditoriale claire, des valeurs, une éthique ;
  • Il faut être prêt à s’adapter, savoir faire marche arrière, tirer les leçons des expérimentations, ne pas avoir peur de l’échec, tester, tester et encore tester pour réussir à innover.

Jean-Marie CHARON est ensuite intervenu afin d’évoquer cette mutation des usages en particulier pour les médias d’information professionnelle. Il a pu dégager plusieurs atouts et des fragilités vis-à-vis de cette mutation.

Les atouts :

  • Fiabilité et compétence des médias professionnels : face au fake new, à la surabondance d’informations et à l’hétérogénéité des sources, la presse professionnelle dispose d’une très large crédibilité et la notion d’engagement de l’utilisateur reste très forte ;
  • Devant la fragmentation du public et la fragmentation des usages : la presse professionnelle peut aller vers plus de spécialisation, des médias de niche et jusqu’à une plus grande personnalisation ;
  • Très tôt, les médias professionnels ont su animer leur communauté et proposer en plus de leur contenu éditorial, l’organisation de salons, d’événements ou de formations ;
  • En termes de monétisation des contenus, son modèle économique est très dépendant de l’abonnement, cependant la presse professionnelle possède un certain savoir-faire en matière de maitrise de ses fichiers clients bien que des changements de méthode dans la valorisation des datas doivent être mis en place.

Les fragilités :

  • La presse professionnelle est peut-être moins enclin aux innovations. Elle est d’abord constituée par ses compétences et son savoir-faire, et possède donc une moins grande agilité au niveau des rédactions passer d’un support à un autre, d’inventer de nouveaux modes de narration ou de présentation de l’information ;
  • Il faut qu’elle puisse donc saisir les opportunités fournies par les incubateurs afin de pallier au manque de moyen accordé à la Recherche et Développement. Il faut engager des réflexions sur les nouveaux modèles du journalisme et l’articulation entre les différentes compétences en organisant des hackathons, ou des projets sur une période plus longue permettant de faire travailler ensemble sur un projet commun, différents métiers : journalistes, designer, développeurs informatiques…
  • La temporalité. Face à l’hyper-(ré)activité sur les réseaux sociaux, il est impossible d’ignorer ou de réagir trop tardivement face à ce qui se produit dans l’instantanéité de ces nouveaux médias. Il est tout à fait primordial de pouvoir réagir rapidement si des informations qui concernent un domaine de la presse professionnelle circulent sur les réseaux sociaux en les mettant en cause.

Face à la mutation des usages, les médias professionnels doivent donc continuer de réunir 3 atouts majeurs :

  • Une grande utilité, une crédibilité forte ;
  • Une identité extrêmement précise ;
  • Le rassemblement de communautés fortes.

Laurent BÉRARD-QUÉLIN a présenté à son tour la perception de ces mutations au sein de la FNPS en les illustrant avec quelques exemples de projets d’éditeurs aidés par le Fonds stratégique du développement de la presse (FSDP).

Interpellé par l’intervenant précédent sur la vitalité supposée des « pure players », il a souhaité en premier lieu rappeler que les éditeurs de la FNPS pouvaient être fiers de leur histoire et, qu’à partir de cette richesse, ils pouvaient avoir confiance en leurs capacités à innover avec des moyens adaptés.

La presse professionnelle repose sur 4 piliers : le lecteur qui est l’abonné qui est la source d’information et souvent l’annonceur. La presse professionnelle apporte ainsi à sa communauté un service à 360°.

Au cœur de cette communauté, le lecteur est très exigeant car il connaît parfaitement les sujets. Pour le fidéliser, il faut avant tout être des éditeurs de presse. Malgré la connotation « papier », le mot presse véhicule plus que jamais une notion de qualité éditoriale, une faculté d’impact, une crédibilité qu’il faut cultiver, tout l’enjeu étant de la faire migrer sur le numérique.

L’étude IFOP réalisée en 2016 par la FNPS révèle un taux de fiabilité et de crédibilité de la part des lecteurs de 91 % sur le papier et 93 % sur le numérique. La presse professionnelle est jugée utile dans l’exercice du métier par 88 % des lecteurs sur le papier et à 93 % sur le numérique.

C’est donc une carte à jouer face aux « fausses nouvelles ». Mais pour conserver cette crédibilité sur le numérique, comme évoqué précédemment, il faut être réactif.

Anciennement, les publications de presse professionnelle étaient souvent avant tout des supports de communication. Aujourd’hui, le cœur du métier, c’est d’être avant tout des supports d’information. C’est le moment, plus que jamais, de réinvestir dans la qualité éditoriale pour cultiver une spécificité, alors que sur le terrain de la communication, l’éditeur se retrouve rapidement en concurrence avec des acteurs beaucoup plus puissants.

Il ne faut cependant pas négliger la publicité. Le « content advertising » est pour la presse professionnelle une perspective de développement très importante mais qui doit être assumé vis-à-vis du lecteur. En s’efforçant de rester neutre, cette information peut venir en complément du contenu éditorial et renforcer la relation avec les annonceurs dans des expériences enrichissantes mais exigeantes.

Pour se développer, nombre d’éditeurs ont une capacité d’investissement limitée. Pour eux, Laurent BÉRARD-QUÉLIN rappelle que la FNPS a obtenu le maintien de l’éligibilité au FSDP de la plupart des titres adhérents. L’accompagnement par les pouvoirs publics se fait à hauteur de 40 % de l’investissement, voire 60% dans certains cas, sous forme de subvention. Une très belle opportunité pour investir.

Plusieurs projets déposés au FSDP sont évoqués, notamment concernant la personnalisation (ciblage publicitaire, interaction avec les lecteurs, intelligence artificielle, personnalisation de l’offre commerciale au lecteur, …).

Avant de conclure, 2 points essentiels sont abordés : l’abonnement et la publicité.

  • L’abonnement est une des forces de la presse professionnelle, il faut réussir à le valoriser en numéraires mais également par d’autres moyens. La démarche d’abonnement, même gratuite dans le cadre d’un salon ou d’une opération événementielle, est une démarche d’adhésion à une communauté qui donne à l’éditeur la possibilité d’obtenir des informations précises (des datas) sur un lecteur lors de sa souscription. L’accès à cette communauté est plus que jamais monétisable, avec des approches qui peuvent aller du 100% abonnement payant au 100% gratuit.
  • Quant à la publicité, la course à la massification est certainement perdue pour nos formes de presse. Il faut donc aller vers la qualification et la segmentation, chaque titre spécialisé étant une segmentation à lui tout seul.

La demande du marché va vers la simplification. Les modes de commercialisation de la presse sont jugés trop complexes vis-à-vis de ce qui se fait en quelques clics sur les plateformes. Il faut aller vers une simplification des tarifs, voire une forfaitisation.

Des réflexions sont également menées avec l’ACPM afin de modifier la mesure classique de l’impact des publicités en une mesure de l’engagement du lecteur pour qualifier la spécificité de son attention sur un site de presse par rapport aux réseaux sociaux.

En guise de conclusion de son intervention, Laurent Bérard-Quélin assure aux éditeurs présents une intensification de la veille faite par la FNPS afin d’amener tous les éditeurs à monter en compétence sur ces différents sujets et leur ouvrir le champ des possibles.

Pour clore cette table-ronde, Delphine CHÊNE replace la soirée du Palmarès comme une célébration des médias professionnels, la mise en avant de leurs atouts et comment dans un contexte de mutation des usages, ils sont en mesure de jouer leur rôle avec des leviers sur lesquels s’appuyer :

  • L’aspect naturellement communautaire ;
  • L’aspect naturellement spécialisé ;
  • Leur expérience de monétisation ;
  • Leur expérience du serviciel.

Il reste ensuite l’importance de l’humain, de l’innovation (et des investissements) et à avoir une approche plus partenariale.

La soirée s’est ensuite poursuivie par la remise des Prix du Palmarès 2018.

Lors de cette soirée festive, 11 prix ont été remis par les partenaires et par le jury. La mouture 2018 du Palmarès renforçait les catégories rédactionnelles et primait de nouveaux prix autour du lectorat, de l’audience et des stratégies marketing annonceurs, afin de valoriser les dispositifs visant à conquérir de nouveaux territoires.

Pour l’ensemble des éditeurs, la célébration du Palmarès MediaPro doit désormais constituer chaque année un baromètre leur permettant de jauger la dynamique de leurs médias et de tirer un maximum d’enseignements des projets éditoriaux, digitaux ou événementiels qui y sont récompensés. Comme chaque année depuis bientôt 20 ans, le Palmarès de cette nouvelle édition fait apparaître un certain nombre de signaux laissant penser que l’information professionnelle n’a pas fini de surprendre par son audace et l’originalité de ses dispositifs.

Les lauréats du Palmarès des Médias Professionnels 2018 sont :

  • Grand Prix de l’édito : Marketing. Les 2 autres nominés : IT for business et Thuriès Gastronomie Magazine
  • Grand Prix de l’article : Stratégies. Les 2 autres nominés : IT for business et La France Agricole
  • Grand Prix de l’enquête ou du dossier : AJ Pénal. Les 2 autres nominés : Acteurs publics et La France Agricole
  • Grand Prix de l’identité graphique : Marketing. Les 2 autres nominés : Stratégies et Thuriès Gastronomie Magazine
  • Grand Prix du lancement ou relancement : l’AGEFI Hebdo. Les 2 autres nominés : Stratégies et Artisans
  • Grand Prix de la stratégie réseaux sociaux : Acuité. Les 2 autres nominés : L’Hôtellerie restauration et Stratégies
  • Grand Prix de l’initiative événementielle : Dalloz IP/IT. Les 3 autres nominés : Assistant(e) Plus, Le Chef / B.R.A. Tendances Restauration et La Tribune
  • Grand Prix de la diversification : Acteurs publics. Les 2 autres nominés : CB News et Mesures
  • Grand Prix du dispositif annonceur (ex æquo) : La France agricole et Stratégies. L’autre nominé : Liaison sociales Magazine

Le jury a tenu également à adresser un prix spécial au mensuel CB News en lui remettant le Coup de cœur du jury.

Enfin, la cérémonie de remise des prix s’est achevée pour la première fois par l’attribution du Grand Prix MediaPro de l’année, remis au Groupe France Agricole.